Archives mensuelles : mars 2016

En cellule, mon amie… (Les Baumettes, 2014)

caillebotisbaumettes

En cellule mon amie
La solitude est ton amie
Oublie, oublie tous tes amis
La porte se ferme, t’es condamné
Peux-tu me dire combien d’années ?
Mandat de dépôt faut patienter…
Ma vie c’est comme dans avatar
Que je la rêve, beaucoup de cauchemar
Je rêve du parloir et du mitard
Quand je me couche le soir je rêve
Qu’un avion passe et qu’il m’enlève
La vérité… ils m’ont hagard
J’ai grandit seul comme un bâtard
La France ne fait que d’me décevoir
Que dire quand j’apprends son histoire…

 Les historiens ont un peu tort
L’éducation nous ment, à mort !
Pourquoi cacher vos torts ?
Et les jeunes ils les endorment.
Et la prison ben c’est l’école
Pour faire le vice et bien le vol
Mon pote on vit une drôle d’époque !
Ma mère sais-tu comme elle me manque ?
Mon cœur devient de glace un bloc
Je n’suis plus sur terre je suis là, je flotte
Même vivant, ta vie on t’ôte
Ils sont les maîtres et nous les hôtes
Aucun respect pour l’invité
Leur politesse nous a humilié
L’homme s’habitue comme il est niais
Violence devient banalité
Il y a tant de mutilés
De pendus ou de moutonnés
Il est gentil l’homme quand il naît
our l’adoucir faut l’aimer
Pour lui donner l’envie d’aimer
On veut punir, on veut châtier
Cela manque d’efficacité
L’ordre ne naît qu’avec respect
Sans ça, ça donne des rancuniers
Qui savent plus vivre en société
Y sont perdus et dépassés
Restés bloqués sur le passé
Dedans la vie s’est arrêtée
Une heure c’est comme l’éternité

Par des espoirs c’est habité
Par toute la criminalité
Suis-je sensé me réhabiliter ?
Mettre en prison devient banal
Ils font du droit mais immoral
Oú va le monde ? quel dommage
On peut sortir du marécage
Faire de l’emploi moins de chômage
Et mettre fin à ce carnage
Les riches dans le bonheur nagent
Beaucoup de pauvres en esclavage
Tu sors de la page tu vas en cage
Le capitalisme fait des ravages
Il faut s’aider pour progresser
Au lieu de ça vous spéculez
Le blé, le lait, toutes les denrées
Sachant très bien c’qui va se passer
Ça devient une chance de manger
Faudra peser pour grailler frais
Sera lésé celui privé
D’un taf très bien rémunéré
Majorité en pauvreté
Minorité et très aisés
Aujourd’hui, le bien, qui le fait ?


Kamel Bouabdallah, Les Baumettes, 2014

 

Solidarité avec Kamel depuis plusieurs coins du monde

trat

Il y a plusieurs mois, suite à une rencontre avec le collectif de Kamel, « Le collectif Kamel Libre » un échange sincère autour des conditions en prison et de la survie dans ces centres d’extermination a eu lieu. À ce moment-là, le journal indépendant, anti- carcéral et de combat « El Canero » faisait son apparition en France, dans sa version française, si on peut dire, il venait d’être traduit. La proposition de participer à ce journal a été transmise à Kamel, ce qui a permis la publication de plusieurs de ses écrits dans le Journal « El Canero numéro 4 », cette initiative qui est née depuis les entrailles de la prison Nord de la Ville de Mexico a réussi à voler et un petit échange d’expériences partant du cœur, de la rage et des paroles des compagnon-n-e-s prisonnier-e-s a pu avoir lieu. Fernando Barcenas qui a lancé cette proposition décrit ce journal comme un projet qui contribue à diffuser la lutte anti-carcérale en tissant un lien de communication entre les prisonniers et l’extérieur. Grâce à ce journal les paroles de Kamel sont arrivées jusqu’au Mexique et aujourd’hui, nous, collectifs signataires de cette lettre, voulons exprimer notre solidarité avec Kamel, sa famille, son collectif et ses ami-e-s, nous voulons vous dire que vous n’êtes pas seuls, que vos pensées, votre rage et votre cœur rebelles ont dépassé les frontières géographiques qu’ils s’obstinent à vouloir nous imposer.

Nous venons d’apprendre et nous nous faisons l’écho de la situation dans laquelle se trouve Kamel ; Kamel Bouabdallah, a 28 ans, il a vécu derrière les barreaux depuis l’âge de 15 ans, sa libération est prévue pour 2044. Aujourd’hui Kamel se trouve enfermé à l’Unité Hospitalière Spécialement Aménagée [l’UHSA du Vinatier] unité pénitentiaire au sein d’un hôpital psychiatrique. Il est actuellement enfermé à l’unité C « d’accueil et de soins intensifs » destinée à la gestion des « crises » et des « malades psychiatriques difficiles » et/ ou ayant des « troubles importants du comportement » ce qui signifie  : vivre dans une chambre d’isolement, camisole, portes des cellules fermées, impossibilité de circuler sans l’accompagnement du personnel soignant… La « cour » y est semblable à une « cour » de quartier disciplinaire : un cube de béton de 20 m2 avec des grillages au-dessus. Les surveillants pénitentiaires s’occupent des parloirs, du courrier et aussi des « démonstrations de force » quand il s’agit d’intervenir dans la « zone de soins » et ce à la demande des infirmiers de cette institution.

Nous savons que Kamel souhaite que les gens soient nombreux à le soutenir lors de son procès à la cour d’appel de Grenoble le 20, 21 et 22 juin 2016.

Nous, par ces brèves lignes, voulons te dire, Kamel, que nous sommes nombreux à nous opposer à la perpétuation de ces centres de mépris, de douleur et d’extermination, que notre lutte s’inscrit dans la destruction de ces centres, pour la disparition de ces lieux conçus pour être les poubelles sociales dont l’État se sert pour éliminer des milliers d’hommes, de femmes, de jeunes d’en bas. Notre lutte s’inscrit jusqu’à ce que nous soyons tous et toutes libres, aujourd’hui, nous voulons te dire Kamel, que nous sommes là, et nous ne pouvons pas faire comme si de rien n’était, nous ne restons pas indifférents.

Depuis plusieurs endroits nous te serrons dans nos bras avec toute notre solidarité.

Ne te décourage pas Kamel, face aux griffes de ce système pénitentiaire, ne te décourage pas… courage, toujours courage !

En Solidarité :

- Groupe de Travail « Nous ne sommes pas tous et toutes là » Chiapas, Mexique
- Croix Noire Anarchiste de Mexico, Mexique
- La Voix de prisonniers Zapotèques Xiches en Prison, Oaxaca, Mexique
- Depuis la prison d’Ixcotel : Alvaro Sebastián Ramírez, prisonnier Loxicha, Oaxaca, Mexique
- Mère du jeune prisonnier Luis Fernando Sotelo Zambrano. Mme. Celia Zambrano, Mexique
- Les Trois Passants, Toulouse, France

solidaridad001